Lorsqu’on lit le titre, on s’imagine un Louis de Funes en train de traqué des extraterrestres dans mon village. Pourtant il s’agit là d’affaire sérieuse. Les conflits ont toujours été présent à Mantet, de petits conflits, ne mettant en cause que les divergences d’opinion, et de plus gros conflits, allant jusqu’à la détérioration d’un domicile, par exemple. Pourtant rare sont les fois où les habitants en sont venu à faire appel à la police.
La liberté ici revet une signification toute particulière. Est-ce les grands espaces, le petit nombre d’habitants ou une autres raison ? Qu’importe. Toujours est il qu’ici le proverbe « La liberté des uns s’arrête ou celle des autres commence » n’a pas court. Cela a donné lieu à certaines dérivent que je laisserais mon beau père vous expliquez avec ses mots dans les lignes qui suivent.
« Histoire d’un petit bout de fil plastique
Nous sommes le 30 juin 2008. Les brebis allaitantes partent à la tombée du jour pour l’estive, où elles vont passer 3 mois sous la surveillance du berger. Le 1er juillet, après la traite, je conduis mon troupeau de laitières, 80 en tout vers les pâturages du ressec. En traversant le village pour prendre le chemin du Serradet via le Ressec, il faut à peu de chose près 15 min de chemin et le soir pour revenir 15 min, une demi heure par jour de marche. Il faut savoir que pour des laitières, qui marchent une demi heure par jour, cela représente fatigue, énervement et au niveau de la production, cela ce traduit par une perte de lait.
Alors, pourquoi ce choix? Il y a 18 ans, les laitières passaient au dessus de la cavale, traversaient le territoire des chevaux, et regagnaient le Ressec par le haut. Trajet plus court et plus facile.
Du jour au lendemain, Eric Loux s’est opposé fermement à ce que les brebis passent chez lui, remettant en cause notre pratique. Après une réunion en présence de Lucien Pagès, conseiller agricole du Conflent, aucune médiation n’a été trouvée. Eric est resté sur ses positions et après réflexion, nous avons décidé d’emprunter le chemin communal, qui donne accès à toutes les parcelles du village jusqu’au ressec, comme il en existe partout sur le territoire de la commune. Les anciens les entretenaient et les utilisaient car cela faisait parti des us et coutumes, qui sont toujours en vigueur.
Nous nous retrouvons,donc, sur le chemin du Serradet en partance pour le Ressec. Les brebis ont tout de suite compris leur destination. Elles sont serrées derrière, la tête en l’air, les naseaux écartés, prises d’une frénésie rien qu’à l’idée de manger des fleurs et de sentir ce parfum d’estive, qui descend du « caillau » et les enivrent. Une fois arrivées dans le prés, elle mangent jusqu’à la grosse chaleur, aux environ de 12H-13H. Ensuite, elles dorment à l’ombre des noisetiers jusqu’à 17h, heure du retour à la bergerie,de la traite, et enfin, de sortir jusqu’à 22h dans les champs sous la bergerie, toujours gardées. Elles vont prendre ce rythme soutenu pendant deux mois, Juillet, Aout. Septembre, plus relax. Il faut arrêter de tirer le lait. Elles doivent se retaper avant l’hiver.
Fin septembre, elles ne reviennent plus le soir par le village, mais longent la rivière jusqu’au torrent de ferradou, traversent la piste du captage, ensuite, nous rempruntons un ancien chemin réouvert par mon fils Jean, ce qui nous permet d’éviter le territoire des chevaux, qui s’arrête à la barrière en fer pour une partie et qui, pour l’autre, reprend au torrent du captage et s’étend jusqu’au Clots. Il va de soit, que de la barrière au Ferradou, et de la rivière au raz de la Pinouse, ce territoire fait parti de notre parcellaire d’exploitation.
Je vous fais grâce de tous les délais administratifs, déclaration DDA, Ecocert, agence Bio, DSV, de tout cet attirail de conventions, engagements, sous-locations. Il ne faut retenir que les engagements qui nous lient par contrat: la contrepartie des financements public ( Ecoconditionnalité, maintient de la biodiversité, ouverture des milieux… ( je peux communiquer des textes)).
En deux mots, pour faire plus simple, tout en restant dans l’esprit de toutes ces mesures liées au pastoralisme, l’EARL, Bergers de Mantet est rémunérée par une partie de l’argent public au travers de la PHAE, de L’ICHN, et des DPUs afin d’entretenir les territoires déclarés et d’augmenter l’autonomie fourragère en apportant des corrections aux pratiques pastorales (éviter les drailles, qui à terme sont sources d’érosion, favoriser la revégétalisation de certaines zones sensibles par la diminution des cadences de pâturage …). Cet objectif que nous nous sommes fixée, Maryse et moi, aidés de temps à autre par nos enfants, est un défi.
Le temps nous est compté. Soyez certain que le jour, où nos dirigeants décideront de ne plus affecter autant de crédit pour les raisons expliquées plus haut, si nous n’avons rien fait ou entrepris, le processus de désertification s’enclenchera. Il est encore temps, au prix de quelques efforts, de redresser la barre. Nous avons tout à y gagner. Peut être, je rêve un peu…
Il est temps pour moi, d’en revenir à nos moutons. Et d’ailleurs, nous les avons laissés au raz de la Pinouse sur le chemin qui surplombe le Ressec, qui n’est autre qu’un ancien canal d’arrosage, qui part du Ferradou et arrosait les prairies de part et d’autre du Serradet. Une fois la Pinouse passée, le troupeau s’étend sous le clot de la Pinouse et dévore avec appétit le genet sagitté, qui atteint 20cm . Tout le mois d’octobre, je vais les faire manger en bordure de forêt et en dessous, le versant exposé à l’ouest, avant les premières gelées et la neige. Pour les rentrer à la bergerie, je longe le parcellaire des chevaux jusqu’au virage de Chantal, et là, j’emprunte la route pour éviter qu’elles ne pâturent de part et d’autre, de manière à garder des réserves pour plus tard, lorsqu’elles seront dans le 4ème mois de gestation. Je quitte la soulane par la route pour la Garbelouse et je les fait descendre en oblique à la pointe du parking. Une fois tournées, elles rentrent, tout plat, à la bergerie. Pour réaliser, ce parcours sur la route, sans pénétrer de part et d’autre, il m’a fallu une semaine de travail avant que les chiens ne comprennent et trouvent leurs marques. Il est vrai, qu’il serait beaucoup facile du clot de la Pinouse de descendre en oblique pour arriver à la bergerie, en traversant chez les autres, en leur mangeant leur réserve etc … Tandis qu’en gardant mes bêtes, je respecte les réserves fourragères de mes voisins et je gère les miennes en fonction de l’état physiologique de mon troupeau.
Tout le mois d’octobre s’est bien passé les brebis ont pâturé en toute quiétude. Il y a quand même eu quelques débordements de chèvres et de chevaux à Jacques. Après quelques échanges par téléphone, les choses sont rentrées dans l’ordre, pour l’instant. D’autres fois, je serais allé pâturer sur le territoire des chèvres en forme de protestation. Mais à bien y réfléchir, cela serait cautionner un mode de pâturage anarchique qui n’apporte que conflit, guerre et, au niveau du pâturage, l’appauvrissement, sans aucun doute, des ressources fourragères.
Les brebis ont besoin d’amour et de soins pour vivre, il en est de même pour la végétation.
Nous arrivons peu à peu à l’histoire du petit fil en plastique. Aux alentour du 11 novembre, Mme Martin veuve Loux ramène ses juments au dessus de la cavale. Le soir même, elles pâturent ce que j’ai protégé de mes brebis pendant toute une partie de l’automne. Aussitôt, cela ne fait qu’un tour dans ma tête: Mon travail est foulé au pieds, les réserves de mon troupeau, mon unique source de revenu, pillées avec mépris. Je décide alors, d’envoyer une lettre recommandée avec accusé de réception à Jacques Cazenove, Angéline Cazenove, et à Florence Martin veuve Loux, leur demandant de bien vouloir respecter les limites de mon parcellaire, afin de protéger les ressources fourragères destinées à l’alimentation de mon troupeau, comme il est prévu dans le contrat de sous location : « le preneur s’opposera à tout empiètement sur son territoire. ». La présidente du G.P. n’est pas censée ignorer tout ce que je viens de vous expliquer.
Aussi, j’en conclu que les membres du G.P. cités, d’un commun accord, imposent une pratique anarchique du pastoralisme, dont je suis victime.
Un G.P. est un outil de travail dont la compétence est d’organiser l’estive. Force est de reconnaître, qu’il est utilisé comme moyen de pression et comme contre pouvoir, afin de maintenir et de nourrir les conflits.
A qui profite la situation conflictuelle? Je vous en laisse seul juge.
N’ayant aucune réponse à ma demande par lettre recommandée, si ce n’est l’accusé de réception, je décide de passer à l’action. Avec l’aide de mes fils, nous implantons sur mon parcellaire, une clôture mobile dont vous connaissez l’emplacement. A ce jour, l’acte est symbolisé par un fil en plastique, qui dans l’urgence protège mes ressources.
Ce petit bout de fil plastique, pas très élégant il est vrai, va déclencher, à notre encontre, des menaces de destruction. Le passage à l’acte a lieu le 17 Novembre. Afin de préserver mon droit, je décide, conjointement avec Maryse, de déposer une plainte en justice pour « menace de dégradation ou détérioration faite sous conditions ». Nous nous sommes orienté vers ce choix pour éviter l’escalade de la violence. Nous ne vivons pas au moyen age!
Voilà, je tenais à vous informer personnellement des faits, à vous faire partager mes préoccupations de berger.
Mantet Le 12 décembre 2008. »
Il n’est pas tant question ici de droit que de respect. Vous qui vivez en ville, en banlieu ou ailleur, n’avez surrement pas les préoccupations d’un simple berger. Pourtant, chacun d’entre nous voit un jour, ces valeurs, son travail ou son bien remis en question. La question est: Est on près à agir pour protéger ce qui nous cher? Et si oui, qu’est-on près à faire ?